Fatemeh Baraqâni - Tâhéré
Fatemeh Baraqâni, connue plus tard sous le titre de Tâhéré("la pure")Qorrat ol-'eyn("consolation des yeux"), naquit vers 1817 au sein d'une famille appartenant au haut clergé chiite.
Tâhéré fut très tôt autorisée par son père à assister, derrière un rideau, aux sessions de débats théologiques entre savants. Elle fut mariée vers l'âge de quatorze ans à l'un de ses cousins, lui aussi destiné aux fonctions religieuse, et le couple partit vivre en Irak, dans la ville sainte de Kerbala. C'est là qu'elle connue et adhéra à l'école Shaykie. Elle se prit d'une telle passion pour cette cause, qu'elle décida de délivrer un enseignement itinérant et prosélyte. Son éloquence, sa prestance et son charisme lui attirèrent, dans toutes les villes où elle passait, à la fois des adeptes passionnés et des ennemis acharnés. Elle dût finir par quitter son domicile conjugal et ses trois enfant, à cause de son comportement jugés contraire aux bonnes moeurs.
En 1844 elle devient disciple du Bâb (Sayyid ʿAlī Muḥammad Šīrāzī) comme beaucoup de Shaykis. Elle devient une figure du mouvement. Certain voient en elle "l'incarnation même de Fatimih1 l'emblème de chasteté le plus noble à leurs yeux."2. Elle participe à la conférence de Badasht, qui actualise la séparation du bâbisme d'avec la sharia, où dans dans un moment dramatique elle parait à visage découvert, sans voile:
Muhammad-Hasan, qui s'était assis aux pieds de Quddus, avait tendu son cou pour recevoir le coup fatal lorsque soudain la figure de Tahirih, parée et sans voile, apparut aux yeux des compagnons assemblés. La consternation s'empara aussitôt de tous. Tous furent frappés de stupeur devant cette apparition soudaine et des plus inattendues. Contempler son visage dévoilé leur paraissait chose inconcevable. Même regarder son ombre était considéré par eux comme un acte impur étant donné qu'ils voyaient en elle l'incarnation même de Fatimih l'emblème de chasteté le plus noble à leurs yeux.
Tranquillement, en silence et avec une dignité extrême, Tahirih s'avança vers Quddus et alla s'asseoir à sa droite. Sa sérénité imperturbable contrastait vivement avec les traits effrayés de ceux qui regardaient son visage. La peur, la colère et l'étonnement remuaient les profondeurs de leur âme. Cette révélation soudaine semblait avoir paralysé leurs facultés. 'Abdu'l-Khaliq-i-Isfahani fut si gravement bouleversé qu'il se coupa la gorge de ses propres mains. Couvert de sang et hurlant d'émotion, il s'enfuit de la vue de Tahirih. Quelques-uns, suivant son exemple, abandonnèrent leurs compagnons et délaissèrent la foi. On vit certains d'entre eux rester muets devant Tahirih, tout ébahis. Quddus, pendant ce temps, était resté assis à sa place, tenant dans sa main l'épée nue, sa face trahissant un sentiment de colère inexprimable. C'était comme s'il attendait le moment où il pourrait porter son coup fatal à Tahirih.
Son attitude menaçante ne parvint toutefois pas à émouvoir Tahirih. Son expression gardait la même dignité et la même confiance qu'elle révélait depuis le moment de son apparition devant les croyants assemblés. Un sentiment de joie et de triomphe éclairait à présent son visage. Elle se leva de son siège et, nullement troublée par le tumulte qu'elle avait provoqué chez ses compagnons, commença à s'adresser au reste de l'assemblée. Sans la moindre préméditation et dans un langage qui ressemblait de manière frappante à celui du Qur'an, elle lança son appel avec une inégalable éloquence et une profonde ferveur. Elle conclut par le verset suivant du Qur'an: "En vérité, au milieu de jardins et de rivières, les âmes pieuses demeureront sur le siège de vérité, en présence du puissant Roi." En prononçant ces paroles, elle jeta un regard furtif à la fois sur Quddus et sur Baha'u'llah, de sorte que ceux qui la regardaient ne purent savoir auquel d'entre eux elle faisait allusion. Aussitôt après, elle déclara: "Je suis la parole que le Qa'im doit prononcer, la parole qui fera fuir les chefs et les nobles de la terre!"
Elle se tourna ensuite vers Quddus et le blâma d'avoir manqué d'accomplir dans le Khurasan ce qui lui semblait à elle essentiel à la sauvegarde de la foi. "Je suis libre de suivre l'aiguillon de ma propre conscience, rétorqua Quddus. Je ne suis pas soumis à la volonté et au bon plaisir de mes condisciples." Se détournant alors de lui, Tahirih invita ceux qui étaient présents à célébrer d'une manière digne cette grande rencontre. "Ce jour est le jour de festivité et de réjouissance universelles, ajouta-t-elle, le jour où les entraves du passé sont brisées. Que ceux qui ont participé à cette grande réalisation se lèvent et s'embrassent."
La chronique de Nabil Nabil-i-A'zam
Elle sera finalement arrêtée et mise à mort en 1852 dans le cadre des persécutions du bâbisme, à la suite de la tentative d'assassinat sur le jeune Nasser al-din Shâh par des babis fanatiques. Elle ne fut pas exécutée publiquemnet, comme les autres adpetres du Bâb, mais assassinée par strangulation dans le plus grand secret et jetée dans un puits.
Il ne reste de ses écrits qu'un seul recueil de poèmes où se retrouve les brûlures de son cœur et la puissance de sa foi. Elle chante l'Aimé divin, les douleurs de l'amour et les joies de l'union.
Sourcessommaire
- Leili Anvar. Tâhéré Qorrat Oi-'Eyn. p894 in Les Femmes Mystiques. direction : Audrey Fella. 1èreéd.,Paris,Robert Laffont,col.Bouquins, 2013. ISBN 978-2-221-114472-8
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Raphaël Urbain le 02 septembre 2016
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